RIVER SILVER NOUVEL ALBUM ECM / SORTIE LE 15/01/2016

SORTIE LE 15 JANVIER 2016

Pré-commande : AMAZON FNAC

River Silver (ECM) extraits

C’est un groupe cosmopolite que le contrebassiste parisien (né à Alger) Michel Benita a constitué avec Ethics en regroupant une joueuse de koto venue de Tokyo, un spécialiste du bugle originaire de Fribourg en Suisse, un batteur français et un guitariste norvégien né à Drøbak. La musique du groupe est à son image, éclectique, et passe, avec la fluidité de la rivière scintillante qui donne son titre au disque, d’une frontière à une autre. C’est néanmoins une veine lyrique qui prévaut tout du long, avec le bugle à la fois concentré et plein de grâce de Mathieu Michel au premier plan, tandis que le koto, la contrebasse et la batterie assurent des arrières-plans organiques et évolutifs d’une incroyable créativité. Des couleurs propres au folk et au jazz se mêlent avec bonheur dans l’écriture séduisante de Michel Benita, naturellement multi-idiomatique. Les guitares d’Eivind Aarset doublées de ce que Benita appelle des “sonorités électroniques organiques” enveloppent et accompagnent les développements de la musique. Tant du point de vue de l’originalité de ses conceptions en matière d’improvisation que de la richesse et de la singularité de sa palette orchestrale Ethics est un groupe parfaitement inclassable.

Pour Michel Benita concevoir la composition de son groupe a relevé d’une forme de pari: “Mon idée au départ c’était d’essayer d’intégrer le koto dans une configuration orchestrale plus ou moins  ‘traditionnelle’ comprenant guitare, contrebasse et batterie mais je n’avais aucune idée précise de ce que ça pouvait donner. Ça a été une sorte de petit miracle quand j’ai constaté que ça fonctionnait d’emblée et j’ai tout de suite su que j’avais très envie de voir ce groupe continuer. J’avais entendu Mieko Miyazaki jouer sur scène un certain nombre de fois – et j’avais été impressionné par sa présence très forte et charismatique. Elle est aussi à l’aise dans le champ de la musique occidentale, que dans celui de la musique japonaise, qu’elle soit traditionnelle ou contemporaine. Pour dire les choses autrement elle a une façon très personnelle de penser la musique de façon aussi bien occidentale qu’orientale. Cette ‘double culture’ est une qualité qui s’avère essentielle dans le cadre de cet orchestre.” Dans Ethics, le koto n’est jamais utilisé pour ses couleurs ‘exotiques’ mais participe de façon consubstantielle au son global de la formation. Chacun des cinq musiciens composant l’orchestre est invité à servir à égalité les qualités des compositions en apportant sa touche personnelle.

Benita a toujours privilégié les associations musicales au long cours. Voilà cinq ans déjà qu’Ethics existe avec le même personnel — de nombreux membres du groupe aillant par ailleurs des collaborations en cours dans d’autres contextes. Michel Benita et Eivind Aarset participent ainsi régulièrement au quartet d’Andy Sheppard (on les retrouve par exemple sur l’album Surrounded By Sea) – le guitariste faisant par ailleurs partie du quintet de Matthieu Michel. Matthieu a collaboré à de nombreuses reprises avec Michel Benita dans des petits groupes comme dans des formations plus larges tandis que Benita et le batteur Philippe Garcia ont souvent formé un tandem rythmique recherché, que l’on retrouve sur de nombreux disques comme par exemple ceux du trompettiste Erik Truffaz.

Dans son propre parcours musical le leader a toujours fait preuve d’un grand éclectisme. Après avoir commencé à la guitare acoustique à jouer de la folk music inspirée par Bert Jansch ou encore John Renbourn, Benita est d’abord passé par une brève période entièrement dédiée au jazz le plus pur: “Il y a un moment quand on entre dans le monde du jazz en tant que jeune instrumentiste où l’on se dit qu’on ne doit plus se consacrer qu’à ça au détriment de toutes les autres formes de musique. Mais chez moi ça n’a pas duré longtemps! J’ai toujours été fasciné par ce qui se passait en pop, en folk, bref, par tous les styles de musique et toutes les traditions.”

On continue d’entendre toutes ces traditions à l’oeuvre dans les projets du contrebassiste. Dans River Silver, aux côtés de six compositions originales particulièrement représentatives de son style, Benita a par exemple  introduit  “Yeavering”, un thème de la Britannique Kathryn Tickell, célèbre joueuse de cornemuse (Northumbrian pipes), qui s’insère de façon idéale dans le programme, la contrebasse et le bugle  s’occupant de dérouler la mélodie. Cette relecture d’un thème folklorique au prisme d’un langage ouvert à l’improvisation peut être presque considérée comme une sorte de pendant à “Aoidh, Na Dean Cadal Idir”, le standard traditionnel gaélique que Benita et Aarset ont repris avec Andy Sheppard tout récemment : ces musiciens ont décidément l’art d’ouvrir de nouveaux espaces à n’importe quel style de musique.

Le morceau “Hacihi Gatsu” composé par Mieko Miyazaki fait partie du répertoire d’Ethics depuis quelques années déjà. Interprété sous la forme d’un duo duo koto/contrebasse, il met particulièrement en évidence la complicité entre les deux musiciens.

“Lykken, une pièce d’Eyvind Alnӕs (1872-1932), s’est introduite dans le répertoire du groupe “par le plus grand des hasards” après que Benita eut acheté un CD de lieders norvégiens dans un magasin d’aéroport. “J’étais à la recherche d’une ballade qui n’appartienne pas au répertoire des grands standards américains et je suis tombé sur cet  album de chansons classiques pour voix et piano. ‘Lykken’ m’a touché immédiatement. La mélodie est très belle et j’ai tout de suite pensé que je pourrais l’adapter pour le groupe.”

A propos de mélodies magnifiques, le morceau de Benita qui donne son titre à l’album est un magistral poème sonore qui parvient à capturer la lumière et l’atmosphère de Paris. Michel l’a composé dans l’appartement d’un ami situé dans l’Île de la Cité  avec vue sur la Seine, “le soleil se reflétant sur la rivière à travers la fenêtre. C’est une composition très picturale…” On peut y entendre les allers et venues des péniches, le mouvement subtil des vagues étant rendu par les sons de la guitare et des cymbales, tandis que la contrebasse stabilise et oriente les humeurs du groupe. L’impression finale est vivifiante.

Les images sonores pleines d’acuité que l’on trouve dans River Silver ont été réalisées dans l’acoustique extraordinairement précise de l’Auditorio Stelio Molo RSI, à Lugano en avril 2015, sous la direction artistique de Manfred Eicher. C’est la troisième fois que Benita enregistre pour ECM après sa participation aux deux disques d’Andy Sheppard: Trio Libero et Surrounded By Sea. Ces trois albums ont été enregistré à Lugano, l’ambiance très particulière du studio convenant particulièrement à ce type de musique fondé sur l’interaction collective.